mana kikuta

Senbazuru

16 mm transféré en HD, 1 min58 en boucle
tirages cyanotype, chaque 20 x 20 cm

2017

La légende des mille grues ( ou senbazuru ) est une légende originaire du Japon, qui raconte que si l’on plie mille grues en papier dans l’année, on peut voir son voeu de santé, de longévité, d’amour ou de bonheur exaucé. Sadako Sasaki, survivante des bombardements atomiques et atteinte de leucémie à la suite de l’explosion de la bombe atomique d’Hiroshima, avait entrepris de réaliser mille grues en origami afin de réaliser son voeu de guérison. Malheureusement, elle est morte même si elle a réalisé plus que mille grues. Son histoire a fait de la grue en papier un symbole de la paix. En 1958, un monument de la paix des enfants a été inauguré, immortalisant en son sommet, Sadako tenant une grue en or dans ses mains. Aujourd’hui, des enfants du monde entier plient des grues et les envoient à Hiroshima. Les origamis sont disposés autour de la statue. La grue en papier est devenue un symbole international de la Paix et du souvenir des événements d’Hiroshima.


Mon projet Senbazulu est d’abord un film tourné en 16 mm: des mains plient et déplient une grue en papier à l’infini. Le geste nous met devant l’abime de la commémoration: se rappeler est une gymnastique à toujours recommencer. Le papier de l’origami a été enduit d’une solution photosensible qui bleuit lentement une fois exposée au soleil. Les mouvements et les plis du papier dessinent, à mesure des répétitions, un motif sur la feuille. Ainsi une fois redevenu plane, la feuille garde la trace du geste comme la photographie d’une prière, d’un recueillement dont l’aspect général est semblable mais dont les détails varient toujours. Une série de cyanotypes, résultat de l’action effectuée à différemment moment, est exposé avec le film.





Parce que je suis née à Hiroshima, j’hésite toujours à évoquer ce sujet, si proche et si loin de moi. Cet été, j’ai vu exposé au mémorial d’Hiroshima l’oiseau en origami offert par Barack Obama lors de sa visite. Plus tôt, je l’avais vu au pied de la statue de la place de la République à Paris en hommage aux victimes des attentats. C’est un symbole très connu mais dans ces deux cas il m’a semblé voir ce symbole évoluer. Nos commémorations, si répétitive soit-elle, ne sont pas à l’épreuve du temps et nos souvenirs comme leurs significations changent. Ce sentiment de variation m’autorisait, en quelque sorte, à m’emparer de cette image si forte, et de proposer ma version pour évoquer comment notre mémoire, nos façons de nous rappeler sont affectées par le temps.




Vue d'exposition, ci-dessus : 'Doko x Deza', Ancien Bank de Japan, Hiroshima branch office, Musée d'art contemporain de Hiroshima, Japon 2021


Vue d'exposition, ci-dessous : 'La suie sur les mains disparait quand on souffle dessus' Maruki Gallery for the Hiroshima Panels, Saitama, Japon 2021