Dans « Fleurs », une série de polaroïds, les trois couches colorées sont ajoutées sur le même papier sensible par trois clichés successifs, avec filtre rouge, vert puis bleu. Décomposer la lumière en utilisant trois filtres RVB l’un après l’autre plutôt que simultanément c’est redonner du temps dans la triple action photographique qui a lieu aujourd’hui simultanément à chaque déclenchement. Le mouvement des fleurs révèle le passage du vent et le temps écoulé entre les couches colorées. A travers ces décalages, on comprend comment la couleur des photographies est une interprétation, une vision dirigée par nos technologies, et donne à voir le monde différemment. Dans les interstices des couleurs se logent les fantômes de cette histoire technique des images, ainsi — peut-être — que ceux qui parcourent les champs de fleurs sauvages.

Dans la série Cerne la photographie d’un monument est encadrée et re-photographié autant de fois que le monument est vieux en année. La trace abstraite que laisse la photographie d’origine nous met devant l’abysse de la tâche de commémoration: de quoi peut-on se rappeler ? “ Le problème n’est pas qu’on se souvient grâce aux photographies, mais qu’on ne se souvient que des photographies.” Écrit Susan Sontag dans Devant la douleur des autres. La première photographie de la série porte le nom de la mention écrite sur la stèle de commémoration du bombardement nucléaire qui a eu lieu le 6 août 1945 à Hiroshima : “ Reposez en paix car nous ne laisserons pas se reproduire la tragédie ” (“安らかに眠ってください 過ちは繰返しませぬから”). Une fois effacé par le dispositif photographique, le message laisse place à un mouvement infini de reproduction dont la photographie semble à la fois le meilleur représentant et en même temps le seul à pouvoir, en gardant le souvenir, en enrailler le cours.